Journaliste cherche IA, relation compliquée
Face à l’essor de l’intelligence artificielle générative, les rédactions audiovisuelles s’organisent. Gains de temps, nouveaux usages, inquiétudes : une étude dresse un état des lieux sans parti pris de cette révolution en marche.
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IA et journalisme audiovisuel : état des lieux d’une révolution discrète mais déjà bien réelle
Comment les journalistes français intègrent-ils l’intelligence artificielle (IA) dans leur quotidien ? Une vaste étude menée par BearingPoint pour la CPNEF de l’audiovisuel dresse un panorama inédit des usages, des espoirs et des craintes liés à cette technologie dans les médias radio, télé et web. Si l’IA générative est encore loin de remplacer les journalistes, elle transforme déjà en profondeur les pratiques professionnelles.
Une IA déjà présente dans les rédactions
Première évidence du rapport : l’intelligence artificielle ne débarque pas dans les rédactions, elle y est déjà. Son utilisation est largement répandue, principalement pour automatiser des tâches techniques ou chronophages. Parmi les cas les plus fréquents : la transcription des interviews, le sous-titrage automatique, la génération de résumés ou encore l’optimisation SEO des contenus en ligne.
Ces usages sont considérés comme à faible risque éthique, car ils n’impactent pas directement le cœur du métier journalistique : la vérification et la hiérarchisation de l’information.
Deux visions qui cohabitent dans les médias
Le rapport identifie une fracture nette entre les directions et les journalistes. Les premiers voient dans l’IA un outil de productivité et un levier de développement stratégique. Les seconds y perçoivent surtout un assistant de travail, permettant d’automatiser des tâches répétitives et de gagner du temps sur l’essentiel : l’enquête et la narration.
« C’est une béquille supplémentaire », explique un journaliste interrogé dans l’étude, en évoquant la transcription automatique de ses interviews.
Une adoption très encadrée dans les grandes rédactions
Dans les groupes audiovisuels majeurs comme Radio France ou France Télévisions, l’intégration de l’IA passe par des procédures très strictes : phases de tests, comités de validation, formations, prototypes et gouvernance dédiée. Le but : encadrer les usages et limiter les risques de dérives déontologiques.
« Quelle que soit l'IA que vous utilisez, qu'elle soit prédictive ou générative, le principe homme-machine-homme est intangible », insiste Pascal Doucet-Bon, directeur délégué de l'information à France Télévisions.
Dans les petites structures, plus d’agilité… mais moins de moyens
Les radios locales, les pure players ou les petites rédactions web fonctionnent différemment : la culture du test et de l’expérimentation est omniprésente. Ici, pas de comité ou de feuille de route : l’IA est intégrée au fil de l’eau, en fonction des besoins et de la curiosité des équipes.
« On a tous pris ces nouveaux outils comme ils étaient et comme on avait envie de tester les choses », raconte Harold Grand, journaliste chez Loopsider.
L’emploi des jeunes journalistes en question
Un des effets collatéraux les plus préoccupants de l’IA concerne l’entrée dans le métier. Beaucoup de tâches historiquement confiées aux stagiaires ou aux jeunes journalistes sont aujourd’hui automatisées. La veille, la réécriture d’alerte info, la dérushage : des étapes formatrices qui disparaissent peu à peu.
La peur de la banalisation du métier
Certains journalistes expriment une forme d’inquiétude existentielle. À mesure que les outils s’intègrent, leur rôle pourrait sembler réduit à celui de superviseur technique.
« Ce qui me fait peur, c’est de devoir lutter encore plus aujourd’hui pour prouver que notre information est juste », témoigne un journaliste de France Médias Monde.
Un risque d’inégalités entre les rédactions
Si l’IA permet aux petites rédactions de rivaliser techniquement avec les grandes, elle accroît aussi les écarts. Vérifier, certifier, labelliser l’information générée par IA demande des ressources humaines et financières importantes que les petits acteurs n’ont pas toujours.
Dans ce contexte, certains experts redoutent un renforcement de la concentration du secteur autour des grands groupes.
Des perspectives encore ouvertes
L’étude conclut à une adoption massive mais prudente de l’IA générative dans les rédactions. Les outils sont vus comme un allié du quotidien plus qu’un concurrent. Mais des questions majeures restent ouvertes : quelles limites fixer à l’IA dans le traitement de l’information ? Comment préserver la singularité du métier de journaliste ? Et surtout, quels modèles économiques émergeront de cette nouvelle donne technologique ?

Passionné d'animation depuis l'âge de 14 ans, a pris les commandes de la matinale d'RTS à seulement 19 ans, poste qu'il a occupé pendant 13 ans. Après des études de sciences économiques à Montpellier, il occupe plusieurs postes chez RTS, devenant successivement responsable d'antenne, animateur, responsable technique. Aujourd'hui directeur général de la radio et de la régie publicitaire RTS Communication, il est également directeur de publication, avec une spécialisation dans l'actualité high-tech, économique et environnementale. Secteurs préviligiés : High-Tech, IA, Economique, Environnement